En écho à la dramatique affaire du décès de Naomi Musenga, nous vous présentions dans notre précédente actualité l’organisation de l’Aide Médicale d’Urgence (AMU) en France, et en particulier celle du Service Aide Médicale d’Urgence (SAMU), la structure en charge de la régulation des appels d’urgence.
Si le numéro 15 est aujourd’hui connu de chacun, sa généralisation à toute la France est en réalité assez récente : il a fallu attendre 1986 pour que celui-ci soit officiellement étendu à tout le pays, sur la base de quelques expériences locales réussies. Retour sur cette montée en puissance, puis sur les différentes approches en matière de prise en charge des urgences sanitaires.
Le SAMU : uns ervice apprécié par la population, mais structuré assez récemment
Trente ans se sont écoulés entre les premières expériences et l’instauration générale d’un SAMU par département. Quelques dates marquantes jalonnent l’histoire de cette mise en place.
1956 : en pleine épidémie de poliomyélite, le tout premier service mobile de réanimation est créé à Paris, à l’hôpital Necker. Il est destiné initialement aux transports inter-hôpitaux de patients gravement atteints nécessitant une assistance respiratoire permanente. Il s’avère en effet que ceux-ci décèdent souvent avant leur arrivée au service de réanimation – il n’existe à l’époque que deux services de soins intensifs en France, à Paris et Lyon. Il s’agit surtout d’un transport de malades, qui préfigure le futur SMUR (voir actualité précédente), la régulation médicale étant faite directement par le médecin de cette ambulance spécialisée.
1965 : les SMUR hospitaliers sont officiellement reconnus par la loi. Entre 1956 et 1965, à la suite de l’initiative parisienne, d’autres unités mobiles hospitalières sont mises en place dans certains grands hôpitaux régionaux : unité mobile hospitalière (UMH) ou unité de traitement intensif mobiles (UTIM), qui interviennent désormais également en dehors du transport inter-hôpitaux, directement sur le terrain. C’est à Montpellier que le premier SMUR est créé.
1968-1972 : dans la foulée apparaît le premier SAMU à Toulouse, qui répond aux besoins de coordination entre l’action des SMUR et les services d’urgences hospitalières. Ce premier service, mis en place localement en 1968, est officialisé par la loi en 1972. Cette dernière impose à sa tête un spécialiste, médecin anesthésiste-réanimateur. Entre temps, SOS médecins est créé en 1966 pour faire face à l’absence de services d’urgence à certaines heures. Il s’agit d’un service de médecine libérale, donc privée, initialement disponible uniquement aux heures de nuit, sur la plage 20h-8h. Le service sera étendu par la suite pour fonctionner en permanence, en synergie avec les SAMU nouvellement créés.
1980 : les SAMU peuvent recevoir directement les appels du public via le numéro 15, avec une toute première mise en service à Troyes. Et c’est donc une loi de 1986 qui étend le service à l’ensemble des départements, avec ce numéro unique accessible gratuitement à tous, 24 heures sur 24.
Différentes approches dans le traitement de l'urgence vitale
Aujourd’hui, tous les pays développés sont dotés d’un service dédié aux soins urgents. Cependant, les modalités de prise en charge de l’urgence vitale varient d’un pays à l’autre, en fonction de l’organisation du système de soins mais aussi de la doctrine en vigueur. Deux grandes approches coexistent, avec chacune leurs avantages et leurs inconvénients : le « stay and play » et le « scoop and run ». Initialement adeptes de la première, les urgentistes français pratiquent aujourd’hui plutôt un mixte des deux, appelé « play and run ».
Le stay and play, littéralement « rester et jouer », implique que l’urgence est traitée d’abord sur place. Il avait en effet été constaté que les morts de la route décédaient le plus souvent durant leur transport vers la structure de soins plutôt qu’à l’hôpital. Face à de tels cas, il s’agit donc de stabiliser la victime sur place, avant son transport – par exemple, en compensant la perte de sang par une perfusion en cas d’hémorragie, afin de stabiliser la pression cardiaque. Dans ce type d’organisation, les unités d’intervention sont donc fortement médicalisées, avec la présence d’un médecin urgentiste dans l’ambulance pour pouvoir intervenir directement sur la victime.
A l’inverse, le scoop and run, littéralement « charger et courir » est une approche qui privilégie le transport de la victime le plus rapidement possible vers un centre hospitalier. C’est la méthode notamment mise en œuvre aux USA : nous avons tous en tête les images de la série Urgences, dans lesquelles la victime arrive à l’hôpital transportée à toute vitesse par des secouristes essoufflés. Dans ce système, les médecins quittent très rarement l’hôpital, les ambulances étant confiées à des personnels paramédicaux formés à certains gestes d’urgence (perfusion, intubation trachéale, etc.). Cette approche est inspirée des pratiques militaires en temps de guerre. Il avait en effet été observé qu’en cas d’hémorragie interne, seule une opération chirurgicale, réalisable uniquement à l’hôpital, pouvait sauver la victime. Il convenait donc de l’y amener le plus rapidement possible – c’est le concept de golden hour, c’est-à-dire l’obligation d’amener le blessé en moins d’une heure au centre de soins. En pratique, cette méthode est bien adaptée à ce type d’accidents, mais moins aux autres.
Puisque chaque approche possède ses avantages, les urgentistes français ont fait évoluer leurs méthodes en tirant partie des forces de chacune : c’est donc une troisième doctrine qui est actuellement en vigueur dans notre pays, le play and run – littéralement « agir et courir ». Il s’agit alors de profiter du temps incompressible pour commencer à agir sur place, comme dans la première méthode – pendant le transport ou la désincarcération par exemple – mais de réduire les gestes au strict minimum permettant d’acheminer le patient le plus rapidement possible vers l’hôpital, comme dans la seconde – par exemple, en cherchant à maintenir une pression sanguine minimale plutôt que normale à tout prix.
Au total, la France dispose donc aujourd’hui d’un système intégré de prise en charge de l’urgence reconnu comme l’un des meilleurs, grâce à notamment la régulation unifiée opérée par le SAMU, qui permet d’avoir une vision nette à tout instant de l’ensemble des ressources médicales d’urgence disponibles dans le département (places en hôpital, véhicules de transport disponibles, etc.). Le tragique décès de Naomi Musenga, lié à un contexte local dans lequel les procédures de transfert des appels n’étaient pas respectées, ne doit donc pas faire perdre de vue cette efficacité qui profite à chacun d’entre nous.
Pour en savoir plus :
La médecine d’urgence, sur le site des l’Agences Régionales de Santé
Ce que vous devez savoir sur les urgences, sur le site www.hopital.fr : quelques informations pratiques pour mieux comprendre l’organisation des urgences hospitalières
La direction des études statistiques du ministère de la santé (DREES) a publié une enquête très fouillée sur les urgences hospitalières en 2013, disponible ici (18 pages)
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